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86-A la rencontre de Martin Page

Récemment, j’avais quelques euros qui me restaient de je ne sais plus quoi, et j’ai décidé d’acheter quelques petits livres dans mon domaine de prédilection de ces dernières années: la surdouance.

Martin Page-Comment je suis devenu stupideJ’adore son petit paragraphe sur l’intelligence dans “Comment je suis devenu stupide”: “La vérité sort de la bouche des enfants. A l’école primaire, une insulte infâme était d’être traité d’intello; plus tard, être un intellectuel devient presque une qualité. Mais c’est un mensonge: l’intelligence est une tare. Comme les vivants savent qu’ils vont mourir, alors que les morts ne savent rien, je pense qu’être intelligent est pire que d’être bête, parce que quelqu’un de bête ne s’en rend pas compte, tandis que quelqu’un d’intelligent, même humble et modeste, le sait forcément.”

Il y a bien des années, j’avais bien compris que mon savoir, plus j’en acquérais, plus je construisais un fossé entre ceux qui faisaient du sur-place et moi qui avançais. Et pourtant, rien ne pouvait m’arrêter, j’étais toujours en train d’apprendre, d’emmagasiner, comme si j’éprouvais une faim insatiable qu’il fallait constamment satisfaire. Je ne savais pas, même si j’ai fréquenté le catéchisme au contraire de Martin, que dans L’Ecclésiaste on pouvait lire que “qui accroît sa science, accroît sa douleur“. Je suppose que le sieur Ecclésiaste parle d’expérience, car de tous temps, il y avait des bêtes et des intelligents. Mais c’est triste de devoir faire encore et encore et encore les mêmes expériences.

Martin Page-Avril 2013-illustrationEt voici une pépite sur les premiers humains: “L’intelligence est un raté de l’évolution. Au temps des premiers hommes préhistoriques, j’imagine très bien au sein d’une petite tribu, tous les gamins courant dans la brousse, pourchassant les lézards, cueillant des baies pour le dîner; peu à peu, au contact des adultes, apprenant à être des hommes et des femmes parfaits: chasseurs, cueilleurs, pêcheurs, tanneurs… Mais, en regardant plus attentivement la vie de cette tribu, on s’aperçoit que quelques enfants ne participent pas aux activités du groupe: ils restent assis près du feu, à l’abri à l’intérieur de la grotte. Ils ne sauront jamais se défendre contre les tigres  à dents de sabre, ni chasser; livrés à eux-mêmes, ils ne survivraient pas une nuit. S’ils passent leurs journées à ne rien faire, ce n’est pas par fainéantise, non, ils voudraient bien gambader avec leurs camarades, mais ils ne peuvent. La nature, en les mettant au monde, a bafouillé. Dans cette tribu, il y a une petite aveugle, un garçon boiteux, un autre maladroit et distrait… Alors, ils restent au campement toute la journée, et comme ils n’ont rien à faire et que les jeux vidéo n’ont pas encore été inventés, ils sont bien obligés de réfléchir et de laisser vagabonder leurs pensées. Et ils passent leur temps à penser, à essayer de décrypter le monde, à imaginer des histoires et des inventions. C’est comme ça qu’est née la civilisation: parce que des gosses imparfaits n’avaient rien d’autre à faire. Si la nature n’estropiait personne, si le moule était à chaque fois sans faille, l’humanité serait restée une espèce de proto-hominidés, heureuse, sans aucune pensée de progrès, vivant très bien sans Prozac, sans capotes ni lecteur de DVD dolby digital.

Je pourrais présenter encore et encore d’autres petits paragraphes que j’adore, sans doute jusqu’à la fin du livre, mais l’article n’en finirait pas, il faut acheter le livre chez “J’ai lu” à 4,50 €.

En tout cas, je suis ravie de cette nouvelle découverte, un surdoué notamment dans l’écrit, d’autant plus qu’en tant qu’écrivain, il sait écrire du beau français, ce que j’adore également et qui est devenu si rare de nos jours.