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105-Les mécanismes de défense du résilient

La résilience peut être comparée à rebondir ou se redresser. Lorsque j’ai vécu en Allemagne, j’ai fait connaissance avec le “Steh-auf-Männchen”, le petit-bonhomme-qui-se-relève. Il avait le bas arrondi, sphérique, donc dès qu’il tombait parce qu’on lui avait posé une surcharge déséquilibrée sur la tête qui le faisait tomber, la charge tomba et il se relevait aussitôt. Il avait la résilience non seulement intégrée, mais en quelque sorte automatisée. C’est ce qu’il nous faudrait, à nous, les surdoué/e/s perdu/e/s.

“Pour rester propriétaire de soi ou le devenir, l’individu doit réunir trois vertus irremplaçables:

1) Être capable d’atténuer psychologiquement les effets paralysants du risque. J’ai l’impression que je n’ai pas cet effet paralysant sinon je n’aurais jamais pris tant de risques qui m’ont fait perdre tant de choses.

2) Savoir protéger les acquis de ses efforts antérieurs de façon à pouvoir restaurer ce qui a été sinistré de ses capacités d’entrepreneur. En écrivant cela, je pensais à mes années d’apprentissage de langues, des efforts importants pour certains, mais pas vraiment pour moi, car je suis douée pour les langues. J’ai le bonheur d’en parler plusieurs qui couvrent toute l’Europe occidentale, car c’est une de mes passions. Donc, comme le dit Prof. Dr. Gerald Hüther, quand on apprend quelque chose par passion, on apprend avec facilité, sans effort et nos cellules mentales restent jeunes. Par contre, si on ne pratique pas les langues, on a tendance à les oublier, donc je fais régulièrement l’effort ou disons plutôt, cela me plaît de parler en langues étrangères et je fredonne souvent des chansons brésiliennes, particulièrement une « O trem das Onze » pour celles ou ceux qui connaissent. Pour ce qui est de la capacité d’entrepreneur, je ne sais pas si on peut l’apprendre, je pencherais plutôt vers l’idée que c’est inné, on l’a ou on ne l’a pas. Mais peut-être est-ce aussi plutôt à voir dans le sens de agir. De toute manière, je suis dans les deux cas, agir et entreprendre, mais si j’ai un diable qui veut contrôler ma vie, je ne peux rien entreprendre de grand.

3) Avoir appris à renforcer ses responsabilités et la notion de ses responsabilités dans les événements et dans les actions en général. Ici on entre dans le domaine de la relation à l’autre. Et les points de vue vont diverger selon que l’on suive les règles de la loi du plus fort ou celles de la loi du plus faible. Je suis non seulement adepte de la seconde et je la pratique au quotidien. Il y a donc longtemps que j’ai accepté mes responsabilités qui sont en lien direct avec ma prise de risques. Mais comme tous mes contacts pratiquent la loi du plus fort qui est aussi celle de l’ego, nous n’arriverons sans doute pas à s’entendre sur la responsabilité dans les événements et les actions.

Monique de Kermadec poursuit: “L’ambition du développement qui est aussi une ambition de développement personnel, est le lieu d’une contradiction entre la nécessité de prendre des risques pour progresser et l’impossibilité de les assumer du fait d’une trop grande vulnérabilité – pauvreté et souffrance morale! C’est très exactement la situation de l’adulte surdoué, conscient des risques qu’il doit prendre pour entrer dans la sphère sociale dont il ne possède pas les caractéristiques générales et désarmé pour trouver une adaptation au stress et aux souffrances qu’il endure parce qu’il se sent incompris.” Je n’avais pas de problèmes avec la sphère sociale plus que les autres jusqu’à ce que je revienne en France en mai 2002 ou cela a baissé jusqu’à l’exclusion la plus totale. Et ayant une grande expérience de différentes situations de la vie passant du père incestueux ou du meurtrier dans les locaux de la gendarmerie au majordome et à la main de la soeur du roi d’Espagne qui s’intéressait à l’hippodrome de Mannheim, je sais m’adapter aux exigences des sphères sociales. C’est regrettable de n’avoir aucune chance de le montrer.

Pour Boris Cyrulnik, être résilient équivaut à avoir la capacité à réussir, à vivre et à se développer harmonieusement, de façon socialement compatible, en dépit du stress ou d’une adversité qui induisent normalement le risque grave d’une issue catastrophique – échec, dépression, suicide, marginalisation.

Quand on pense aux enfants résilients après un traumatisme du genre orphelins de deux parents, maltraités, abandonnés, violés, comment peuvent-ils s’en sortir? Que peuvent-ils faire pour être heureux quand même? Pourquoi doivent-ils tant souffrir? Intellectualiser serait une solution, ainsi que l’écriture du traumatisme. Cela tombe bien, ce sont mes spécialités, réfléchir et raconter, notamment sur ce blog ainsi que sur d’autres. Par contre, ce qui fait cruellement défaut chez moi, c’est “la main tendue” pour dépasser les épreuves, avoir à nouveau confiance en la vie, en l’autre, des étapes indispensables pour affronter la souffrance passée et se protéger de celles à venir.

Assistance à la résilience

La résilience, c’est le thème phare de Boris Cyrulnik. Malheureusement, cette fois-ci le titre du livre ne va pas provoquer une envie de l’acheter, au contraire de ce qui m’est arrivé avec les livres sur la surdouance. La raison du refus est que je sais déjà de quoi traite le livre “Un merveilleux malheur”, à savoir de la période nazie.

Durant mes dernières années en Allemagne où avait déjà commencé la solitude de la surdouée que je suis aujourd’hui, mais que je ne connaissais pas encore, je regardais beaucoup de films documentaires et bien sûr, j’ai vu et revu toutes les choses sur les nazis, de sorte que j’ai aujourd’hui une sorte de blocage face à ce sujet, je ne supporte plus d’en entendre parler. Récemment, je cherchais une image de Bouddha et je suis tombée sur une statue qui avait la croix gammée ou signe swastika d’origine sanskrite sur la poitrine, une image positive qui existait bien avant l’avènement de cette horrible période noire de notre histoire, mais le fait est que de nos jours, en Occident, on pense tout de suite à ce que vous savez. Je ne voulais donc pas de cette image pour mes besoins.

Dans son livre, Monique de Kermadec défend bien l’idée que je ressens également comme vrai que pour que le processus de résilience puisse se mettre en place harmonieusement, il faut un accompagnement particulier. Et ensuite, on lit: “Le clinicien doit centrer l’attention et le travail de réflexion du patient sur ses ressources. Il doit valoriser ses capacités et lui apprendre à trouver comment renforcer ses compétences.” C’est à ce moment-là que vont surgir mes craintes, car comme d’habitude, cela ne va pas rater: une fois traductrice, toujours traductrice. Et j’ai horreur de cela, car aujourd’hui, je suis bien plus que traductrice, j’ai fait bien plus que traduire et traduire ne peut donc être qu’une toute petite partie de mes capacités et compétences.

Cette résilience assistée est donc ce après quoi je cours depuis des années qui se ressentent comme des siècles. D’après le livre, j’ai en moi tout ce qu’il faut pour m’affranchir de cette douleur psychique lancinante et en effet, ce qui me fait défaut, c’est le bon accompagnateur pour entamer le processus.

Monique raconte que les psys discutent beaucoup de résilience, les uns l’acceptant totalement et s’en réjouissant, les autres la rejettent totalement. C’est comme avec la médecine, il y a ceux qui évoluent avec les médecines douces, naturelles, alternatives et les éternels attardés. De manière générale, on a coutume d’associer la résilience avec de grands traumas qu’on a subis personnellement. Je n’en vois pas chez moi.