94-Voyage à Lisbonne, un temps de réflexion

Le bus Lufthansa qui va de Strasbourg à Francfort était à l’heure, mais certains passagers ont posé des problèmes, de sorte que nous sommes partis avec une dizaine de minutes de retard. Mais il y avait une heure de battement à l’aéroport, donc aucun problème. Comme lundi était un jour de pluie à Strasbourg, j’avais regardé la météo pour Lisbonne et j’ai vu avec joie du soleil pour toute la semaine.

F-15-Avion décollantArrivée au terminal 1 pour faire enregistrer mes bagages, on me dirige vers le comptoir 460 où l’hôtesse d’accueil avait été remplacée par une machine. C’est la poursuite de la déshumanisation de la société par le capital-roi du valmème Orange. Les machines sont moins chères que les êtres humains, pas de congés, ni de maladies, on les remplace donc, et la majorité mentale ne comprend pas cette équation pourtant très simple, que si les gens sur un territoire continuent à se multiplier sans réfléchir et que de l’autre côté les salariés sont remplacés par des machines, alors il n’y pas d’emploi pour tout le monde et des parfaits demeurés sont capables de répéter sans cesse « mais, va chercher du travail! » avec l’aplomb de ceux qui sont convaincus qu’il y a du travail pour tous, qu’il suffit de chercher, mais qui n’y connaissent rien à la société capitaliste.

Comme c’était la première fois que je devais coopérer avec un engin, je voulais commencer à étudier ce que la machine me dirait, subitement un homme en tenue de travail derrière le comptoir apparut pour m’expliquer ce que je devais faire. Cela faisait tout bizarre d’imprimer soi-même la bande d’indications de vol que l’on colle autour d’une anse du sac de voyage. Cela faisait tout bizarre de poser son bagage sur le tapis roulant sans y avoir été invitée par une voie agréable et parfois même un joli sourire. Curieusement, je ne l’ai même regardé avancer et disparaître pour m’assurer que tout fonctionnerait, mais il était bien là, à l’arrivée.

Au contrôle des bagages à Francfort, il faut, comme partout ailleurs, sortir les appareils comme un ordinateur portable de son sac. Au début, je n’avais pas l’intention de sortir l’urne d’un défunt qui retournait dans sa terre natale et que je véhiculais dans mon sac à dos. J’avais l’intention de voir ce qu’ils me diraient au contrôle après le passage du sac au scanner. Puis j’ai finalement dit à l’agente de contrôle que je transportais une urne mortuaire mais que j’avais les papiers correspondants que je lui tendis. Elle fit mine de regarder en détail les papiers, mais ils étaient tous en français et je doute qu’elle ait compris quelque chose. Mais les tampons officiels ont fait leur effet et je suis passée sans problème.

Le vol au-dessus du Portugal était magnifique, j’avais un siège fenêtre et pouvais voir toutes les petites lumières des routes et ruelles de campagne scintiller. Cela faisait l’effet d’une peinture ou d’une photographie des neurones et synapses du cerveau. Fascinant.

Pour une zapare comme moi, le vol était un peu long et j’avais hâte d’arriver. Comme l’avion venait de Lisbonne et avait déjà pris du retard au départ de Francfort, il n’a pas pu tout rattraper et nous sommes arrivés avec une demi-heure de retard à Lisbonne.

Pour nous occuper, il y avait un repas et une boisson dans l’avion: des macaronis avec une très bonne sauce tomate, un petit morceau de brocoli, un petit pain avec du beurre, une petite bouteille d’eau plate, un verre de vin rouge au choix et deux short-bread, un repas d’avion parfait, sauf que ce n’est pas bio et par conséquent plein de choses qu’on n’aime pas et qui se cumulent dans notre corps et qui sont très mauvaises pour notre santé.

04-Le lit d'une princesse - CopieAprès avoir récupéré mon sac de voyage et m’être dirigée vers la sortie, je me demandais comment j’allais trouver Victor parmi tout ce monde à attendre, mais c’est lui qui m’a appelée et m’a fait signe. Quand j’étais près de lui, il m’a présenté Isabel, sa femme, avec laquelle j’avais déjà correspondu par courriel.

Nous sommes montés en voiture et en quelques minutes, nous étions à la maison. A table, j’ai sorti l’urne du défunt. Nous avons parlé pendant une demi-heure de diverses choses, puis on m’a montré la chambre où j’allais dormir. C’était celle de la fille aînée de la famille qui est en vacances, une jolie chambre de princesse.

93-L’hyperphrénie de Pèire Frinc

Après avoir lu les premières phrases du livre de Pèire Frinc, je lui ai écrit en lui demandant s’il n’avait pas quelques idées pour nous trouver cette maison pour surdoués dont nous avons tant besoin. Je lui avais parlé de moi, de ce que je faisais, de ce dont j’avais besoin, un mail relativement long avec la fameuse question sur la maison. Quelques jours plus tard, il m’a répondu “Non, désolé… Par contre ça me fait penser à une collocation de jeunes hyperphrènes très célèbre: The big bang theory. Faites-moi signe quand vous aurez lu le milieu de mon livre.”

Je ne connais pas cette colocation, et une petite recherche sur Internet m’a montré que c’est une sitcom américaine, ce qui ne m’a jamais intéressé. Je préfère donc retourner à son livre. Comme il est tout petit, on en arrive vite au bout… avant la partie en Occitan qui ne sert que ceux qui parlent la langue!

Mais ce qui est bien plus important, c’est ce qu’il écrit vers le milieu de son livre.

Vers un mouvement des hyperphrènes

Nous, les zapars, surdoués, hyperphrènes, en avons vraiment marre de devoir faire des mains et des pieds pour nous faire entendre, pour nous adapter à une société phrénocentriste, ce que nous n’arrivons pas à faire en raison de la configuration de notre cerveau, mais qui, elle, de son côté considère qu’elle n’a aucun effort à faire pour nous faciliter la vie. « Nous sommes une minorité mentale qui, comme toutes les minorités, souffre de sa condition. »

Nous voulons vivre dans une société où tous les types de cerveau sont acceptés, et pas seulement tolérés. Une société où chacun est un enrichissement pour l’ensemble, où la diversité mentale fait progresser la solidarité et pas le contraire, une société où nous avons les mêmes droits que les autres, car notre singularité mentale imprègne tout notre être. Nous avons appris à vivre avec, maintenant c’est aux autres, à la majorité mentale, les mésophrènes, de s’adapter à nous, à notre place dans la société, celle où nous ne souffrirons plus et où nous pourrons être utiles aux autres.

Pèire Frinc propose une solidarité de condition. Je suis tout à fait d’accord avec une telle idée, par contre s’il fait les mêmes expériences que moi avec les hyperphrènes, on n’est pas encore prêts d’y arriver. Il écrit:

« Entre nous, reconnaissons-nous. Ne restons pas isolés. Retrouvons-nous. Acceptons-nous. Arrêtons de nous juger selon les codes de la majorité mentale. Soyons indulgents envers nos étrangetés. Étudions ensemble, travaillons, ensemble. Entraidons-nous. Apprécions-nous et apportons-nous de l’estime et de l’affection. »

Je zappe sur la phrase qui suivait où il est question de se marier et d’avoir beaucoup d’enfants. Personnellement, cela me rappelle tellement les idées de la majorité mentale que j’en suis très très éloignée.